L’université française ne va pas bien… mais il ne faut pas la réformer n’importe comment ! C’est une erreur de faire une réforme avec comme seul critère le facteur économique. Il faut prendre des problèmes de fond et «l’économique» suivra. Il faut moderniser l’université pour attirer des étudiants (aussi les bons). Cependant, il ne faut pas que ce soit à tout prix. En particulier, il ne faut pas casser le formidable ascenseur social qu’est l’université française, et plus généralement, le système éducatif français. Dans les réformes des dernières années, les plus récentes sont celles du statut des enseignants-chercheurs et celle appelée LRU.
La première réforme ne cherche absolument pas à améliorer la situation. Avec la modulation des services, il pourra y avoir une rupture de l’équilibre 50/50 entre enseignement et recherche. Le critère est le suivant : l’enseignant-chercheur «non-publiant» (donc le mauvais chercheur) fera plus d’enseignements pour alléger l’enseignement des «bons chercheurs». Donc, l’enseignement est une punition ! C’est bien vis à vis des étudiants… Et je pose la question : que faire pour punir les mauvais enseignants ? Leur faire faire plus de recherche ? Pas de panique ! il n’y a pas d’évaluation du travail en enseignement ! Enfin, je ne considère pas comme une évaluation crédible le taux de réussite. C’est facile d’avoir 80% de réussite. Que doit-on donc penser d’un enseignement publique où la formation est faite par les «mauvais» enseignants-chercheurs ? J’ai honte… Bien sûr, l’enveloppe de la réforme peut être changée. On peut dire : l’enseignement de certains peut-être allégé pour quelques temps, pour certaines très bonnes raisons. Seulement, que faire du volume d’enseignements qu’ils ne feront pas ? Deux solutions : soit surcharger certains (on revient à la solution précédente) soit fermer des formations «non-rentables» (sic !). Effectivement, il y a aussi des choses intéressantes dans les propositions. Par exemple, la prise en compte des formations à distance dans le service d’enseignement. Actuellement sous-estimées (et tolérées en heures complémentaires), ces formations (comme l’e-miage par exemple) seront à l’avenir prépondérantes. Il est donc primordial de les reconnaître dès maintenant. Un autre progrès est le paiement des heures de TP comme les heures de TD. Précédemment, 1h de cours était payée 1,5h TD alors qu’un TP était payé 0,66h TD. Actuellement, les heures TP qui entrent dans le service sont payées 1h TD (mais ce n’est pas le cas quand elles sont en heures complémentaires…). Cependant, en particulier dans les disciplines scientifiques, la préparation et la correction des TP sont très consommatrices de temps. Malheureusement, comme souvent, c’est une fausse mauvaise nouvelle. En effet, cette mesure alourdit le coût des formations et, évidemment, n’est pas accompagnée de crédits supplémentaires ! Le déficit de mon département est passé de 8 à 15 postes… autant d’heures complémentaires (à l’ancien régime…). L’état demande aux universités de réduire de manière importante les postes d’enseignant-chercheur et les postes d’administratifs. Là où il faudrait augmenter les ressources humaines pour alléger l’énorme pression sur les personnels, il réduit les effectifs. Comment alors prétendre faire des plans pour augmenter les chances de réussite de nos étudiants ?
Il y a deux ans, les universités sont passées dans une autonomie relative (LRU). Bilan, les budgets de ces universités se compliquent. Officiellement, l’état à augmenté les crédits alloués. Cependant, il a augmenté, en parallèle, certaines dépenses initialement du ressort de l’état et maintenant à la charge des universités. Parmi ces dépenses, on peut citer : le plan « Licences », certaines primes destinées aux enseignants-chercheurs, etc. Du coup, il faudrait choisir entre éclairer les salles et mettre en place des aides aux étudiants en difficulté ! Les déficits augmentent considérablement et des formations à faible effectif devront fermer.
Depuis quelques années, le financement de la recherche se complique. Les chercheurs doivent de plus en plus compter sur des projets européens ou des contrats avec des entreprises. Dans ce contexte, les chercheurs en informatique, par exemple, n’ont plus le temps de développer leurs projets, de mettre en place les programmes pour les justifier…
Au final, l’état de désengage de plus en plus des universités et donc privatise ces dernières. Plus généralement, je suis très inquiet pour ce qui concerne le service publique d’enseignement et de recherche. LRU et autres réformes de l’enseignement semblent «démonter» le service d’éducation de la maternelle au supérieur. Chaque nouvelle habilitation voit une réduction du temps d’enseignement, et donc des coûts de l’enseignement. De plus en plus, circulent des projets d’évaluation des formations en terme de taux de réussite (totalement fantaisistes). Jusqu’à maintenant, un jeune de famille modeste pouvait faire des études et obtenir un master aillant autant de reconnaissance qu’un diplôme d’école d’ingénieur d’une école renommée… pour 250€ par an en frais de formation (sans parler des bourses et des facilités de restauration et de logement). La LRU risque, à terme, de remettre en cause ces facilités et de laisser aux banques la sélection des étudiants (par l’attribution des prêts).